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1Reçue à Grenoble, le 18 mars 1573. Répondue le 19 mars 1573.
2Monsieur de Gordes, tout maintenant l’un de mes secretaires que j’avoys envoyé en Provence
3est arrivé de retour vers moy qui m’a aporté creance et asseurance de la part de
4monsieur de Carcès que le sieur de Montbrun pour chose certain prent les armes
5avec tous ses confederez en nombre de cinq ou six cens hommes d’ung ; et d’autres
6speciallement que ceulx de la noblesse de Provence sont mandez de par les eglises
7afin de se rendre à la trouppe, dequoy tout aussitost vous ay bien voullu advertir
8semblera dudit advis, et plustost par homme exprès pour me donner ocazion
10et moyen de pensser à temps à ce que j’auray à faire, par ce que ledit sieur
11de Carcès dict nommément que lesdites forces se doibvent venir joindre à celles
12de deça pour me combatre et selon ce que vous me manderez j’en viseray.
13Au demeurant j’ay receu les deux que vous m’avez escriptes par la voye
14de la poste du IIIe et Ve dernier, toutes deux à une fois par la teneur
15desquelles vous me confirmez tant d’amitié qu’en aie que tout ma vie
16j’en aye faict estat aultant que de chose du monde. Je vous prieray
17la me continuer et de pensser que je vous suis et seray tel que toute
18ma vie j’ay esté si aultant à votre disposition que personne du monde
19que vous ayez oncques aymé. Et respondant au subiect de voz
20lettres, je vous diray que je trouve bon que vous reteniez pour encores
21les autres troys compagnies que le roy m’avoit ordonnées aux despens
22de Dauphiné pour vous en aider iusques à ce que vous ayez faict faire
23levée d’autres gens pour la conservation dudit païs, et que vous
24ayez veu comme toutes choses succederont au gouvernement dudit Dauphiné.
25Cependant d’aultant que comme je vous ay escript les forces de
26Guyenne ou en partie se sont rendues avec les rebelles de ce païs
27soubz la conduicte du vicomte de Panat, et que je prevoy qu’il nous
28fauldra quoy qu’il tarde venir aux mains, je vous prie tant qu’il
29m’est possible de m’envoyer en toute diligence la compagnie de
30[292v°] gensdarmes de monsieur de Maugeron et comme elle entrera par
31le Pont Saint Esprit dans mon gouvernement le scindic du diocèze
32d’Uzès ou monsieur de Ste Jaille qui y commende les y fera recevoir
33et acommoder de vivres par estapes suivant le reiglement que j’en ai
34faict iusques à tant qu’ilz sont en ceste armée. Et me mandez par
35mesme moyen s’il vous plaist de voz nouvelles. Quant à celles que vous
36m’avez departies pour le regard de Pignerol, je seroys extremement marry
37que tel inconvenient en advint ; mais en cela et en toutes autres
38choses pratiquées si subtillement par l’invention des ennemis, il
39se fault resouldre à patience car les plus habilles y seroint
40trompez et sur telz mistères vous et moy et tous les meilleurs
41serviteurs du roy y perdront leurs escrime, car ledit service de
42sa majesté, quoy qu’il en soit, depend en partie de ladite vollunté
43du peuple, laquelle estant de mauvaise condition, aussi
44ne s’en peult. Il ensuyvra que confuzioin et dangereuse consequence,
45si Dieu par sa grace n’y mect la main, auquel en cest
46endroit après m’estre recommandé à votre bonne grace très affectionnée,
47je prieray le Createur vous donner,
48monsieur de Gordes en bonne santé, longue et heureuse vie. Du camp de
49Sommières, ce XIIe mars 1573.
50Je m’asseure que vous aurez donné advis de l’entreprinse dudit Pignerol
51à ceulx ausquels le faict touche, qui me gardera de vous en dire autre
52chose encore que cela m’ait aucunement troublé, ne pouvant oublié
53ce que nature m’oblige de maintenir de voulloir et d’affection au service
54du roy.
55Votre plus affectionné parfaict et meilleur amy
56H de Montmorancy